Les réalisations dans le domaine de la santé sont également très précieuses car porteuses d’une très forte valeur ajoutée. Pour soutenir ses activités dans ce secteur, Edeis a mis en place un Club Santé composé de directeurs de projets, l’objectif étant d’améliorer le savoir-faire et le savoir être des professionnels participants. Cette initiative est essentielle, les opérations hospitalières devenant de plus en plus complexes en raison des exigences et des contraintes des maîtres d’ouvrage ou encore par le nombre croissant d’acteurs présents lors des échanges.
En matière d’ingénierie, quelle est l’expérience du groupe SNC-Lavalin sur laquelle s’appuie aujourd’hui Edeis ?
Alain Achard : EDEIS s’appuie sur cet héritage qui comprend trois corps de métiers représentant chacun un tiers de ses activités. Ses équipes sont très expérimentées en ingénierie pour des solutions clé en main et en ingénierie pour maîtrises d’ouvrages publiques et privées au niveau international. Le groupe reste en effet présent dans les pays du Golfe, en Amérique Latine, en Amérique du Nord et en Europe. Son troisième métier regroupe des activités d’exploitation et de maintenance essentiellement réservées au marché nord-américain.
Comment la direction commerciale est-elle articulée ?
A. A. : Le volet commercial de la division Ingénierie est articulé autour d’une direction regroupant un directeur général, David Fitoussi, et un directeur général adjoint, Jean-Christophe Galissot, dédiée aux métiers de l’ingénierie. Ces deux directeurs sont en lien direct avec le président d’Edeis, Jean-Luc Schnoebelen.
Quels sont les pro ls de vos collaborateurs ?
A. A.: Les métiers de l’ingénierie regroupent environ 600 collaborateurs et l’ensemble de la société Edeis compte 1100 personnes. Nos équipes sont essentiellement composées de pro ls d’ingénieurs spécialisés dans les secteurs du bâtiment, de la santé, de l’agroalimentaire, de l’industrie et du monde de l’entreprise.
Quelle est votre expertise en matière de process ?
A. A. : Nous intégrons des architectes, des ingénieurs biomédicaux et des professionnels expérimentés dans la construction d’établissements. La plupart de nos collaborateurs ont participé à un ou plusieurs des projets de construction parmi les plus emblématiques de ces 20 dernières années.
Comment Edeis compte-t-il stabiliser ses activités d’ingénierie ?
A. A. : Deux actions ont été majeures pour assurer la stabilisation de ces activités. Nous avons créé 13 agences avec une large autonomie, chacune étant dirigée par un responsable portant les fonctions de son agence. D’autre part, nous avons doté les agences les plus matures de développeurs produit pour l’ensemble des solutions d’ingénierie. Toutes ces structures sont assistées par une direction commerciale comprenant des chefs de produits spécifiques aux métiers de l’ingénierie. Notre organisation dispose donc de 5 porteurs de produits respectivement spécialisés dans la santé, l’équipement public, l’agroalimentaire, l’industrie et l’immobilier d’entreprise. Aujourd’hui, nous souhaitons clairement orienter nos efforts sur l’ensemble de ces secteurs et plus particulièrement dans les domaines de la santé, de l’agroalimentaire et de l’industrie.
Quels sont les enjeux du secteur de la santé pour Edeis ?
A. A. : Ce secteur représente un tiers de l’activité du bâtiment et emploie une centaine de personnes au sein du groupe. Les réalisations dans le domaine de la santé sont également très précieuses car porteuses d’une très forte valeur ajoutée. Pour soutenir nos activités dans ce secteur, nous avons mis en place un Club Santé de directeurs de projets de santé. Nous souhaitons ainsi améliorer le savoir-faire et le savoir-être des professionnels participant à cette activité. Cette initiative est essentielle car les opérations hospitalières deviennent plus complexes par les demandes des maîtres d’ouvrage, par leur élaboration et leur financement ainsi que par le nombre croissant de partenaires présents lors des échanges.
Comment comptez-vous renforcer l’expertise d’Edeis dans la conception d’établissements hospitaliers ?
A. A. : Nous comptons renforcer les équipes en recrutant des pro ls différents. Nous allons encourager une réflexion plus globale de la conception hospitalière. À l’avenir, nous ne pourrons plus maintenir une approche compartimentée séparant l’investissement de l’exploitation. Notre objectif n’est pas de nous substituer aux gestionnaires de l’hôpital mais de leur fournir des solutions innovantes sur les économies d’exploitation envisageables dès la conception. D’autre part, au-delà du recrutement de spécialistes en logistique ou en Lean management, nous essayerons d’ouvrir notre Club Santé à des compétences externes. Ce club interne pourra ainsi accueillir des architectes, des programmistes, des médecins ou des maîtres d’ouvrage.
Comment se caractérisent la technicité et la complexité de l’ingénierie hospitalière ?
A. A. : Actuellement, il n’existe aucune formation spécifique au métier d’ingénieur hospitalier. Tous les professionnels actuels ont appris cette spécialité sur le terrain et ont développé leurs connaissances sur le sujet par l’expérience et la participation à des projets hospitaliers. Outre les connaissances générales propres à ce secteur, il est important de développer un travail de réseau a n de favoriser le partage d’expérience dans des domaines très spécifiques. Permettre à tous nos collaborateurs et partenaires de développer les réponses les plus abouties en échangeant librement autour de leurs compétences est d’ailleurs l’objectif premier du Club Santé d’Edeis.
Par ailleurs, l’hôpital lui-même est l’une des structures les plus complexes à concevoir, au même titre que les centrales nucléaires et les aéroports. Il représente un nombre de flux très important qui doivent absolument être maîtrisés et optimisés. De plus, l’organigramme logique des fonctions de l’hôpital est aujourd’hui remis en cause par des évolutions médicales très rapides.
Dans quelle mesure souhaitez-vous vous rapprocher des utilisateurs et des praticiens de l’hôpital pour travailler sa conception ?
A. A. : Acquérir la connaissance de l’utilisateur et de son quotidien alimente la performance de nos équipes d’ingénierie dans leurs démarches de conception et de co-conception. Sur le terrain, nos collaborateurs passent le plus de temps possible auprès du client et des utilisateurs au sein de leur établissement. Dans le cadre d’un projet hospitalier, nous rencontrons régulièrement les acteurs de terrain à chaque étape des opérations pour retravailler ensemble la conception des systèmes hospitaliers.
Pour quelle raison constatons-nous encore beaucoup de constructions hospitalières obsolètes dès leur ouverture ? A. A. : Cette situation est due au fait que nous consacrons encore une vingtaine d’années à construire un hôpital alors que nous pourrions concrétiser nos projets bien plus rapidement. Le problème n’est pas d’ordre technique mais bien juridique et législatif. La globalisation des missions d’études et de maîtrise d’œuvre pourrait être l’une des solutions à cette lenteur des projets de construction hospitaliers. Ce rassemblement de fonctions est cependant toujours impossible sur le plan juridique en raison des contraintes de la loi MOP. Cette loi devrait donc être revue et être assouplie, pour mieux correspondre aux besoins du terrain et à la réalité des projets de construction les plus modernes. Les procédures du secteur privé sont bien plus efficientes car elles permettent des constructions d’établissements de santé plus rapides. En n, nous demandons aux acteurs de la conception et de la construction hospitalières d’imaginer les établissements de santé de ces 30 prochaines années, alors que nous savons pertinemment que le process hospitalier évolue pratiquement systématiquement tous les 7 ans. Il existe donc un réel décalage entre l’investissement et le process.
Comment sensibiliser davantage la maîtrise d’ouvrage ?
A. A. : La maîtrise d’ouvrage connaît et comprend cette situation. Elle demande aux concepteurs des établissements plus flexibles et adaptables permettant des modi cations importantes au niveau structurel. Nous devons cependant pousser plus loin nos démarches en intégrant des cloisons mobiles ou de vastes plateaux réaménagés tous les 7 ans, en fonction des investissements d’équipements et de process. Néanmoins, nos possibilités sont entravées par le manque de réflexion prospective sur les futures évolutions des pratiques médicales.
Quels éléments vous permettent d’anticiper les évolutions futures de l’hôpital ?
A. A. : Nous devons trouver et accompagner des professionnels assez courageux pour proposer des modèles de conception originaux. La chambre hospitalière, par exemple, est construite de la même manière depuis près de 50 ans. Elle n’a pas évoluée au cours de toutes ces années alors que la durée moyenne de séjour a été divisée par trois et que l’ambulatoire se développe rapidement, remettant en question notre vision des prestations hôtelières de l’hôpital.
Comment souhaitez-vous intensifier votre collaboration avec les architectes spécialisés en santé ?
A. A. : Nous renforçons quotidiennement nos relations avec les architectes. Nous sommes très présents auprès d’eux dans le cadre de leurs projets et leur apportons notre vision de la conception hospitalière. Architectes et ingénieurs n’ont pas systématiquement une lecture identique des programmes proposés. La confrontation de nos deux visions entraine une fusion intellectuelle notable, notamment grâce au développement de l’outil BIM. L’architecture devient à la fois conceptuelle et technique et évolue au sein d’un ensemble unique et cohérent.
Comment Edeis est-elle positionnée face au développement du BIM ?
A. A. : Nous avons mis en place une structure BIM intégrée à Edeis regroupant une vingtaine de personnes. Nous bénéficions d’une très grande expérience sur le sujet et avons participé au premier concours de conception-réalisation en BIM, organisé par l’hôpital d’Ajaccio. Nos équipes ont d’ailleurs été primées sur ce projet qui reste un modèle d’exemplarité en matière de BIM dans le domaine de l’hospitalier.
Comment envisagez-vous l’évolution du BIM ?
A. A. : Le BIM est en voie de s’imposer sur tous les projets complexes pour tous les secteurs d’activités, y compris le secteur hospitalier. Cependant, nous restons dans une logique conceptuelle loin de couvrir toutes les facettes du BIM. Cet outil atteint sa pleine justification lorsqu’il est repris par le maître d’ouvrage pour en faire une maquette d’exploitation. Mais il reste très difficile d’imposer le BIM comme outil d’exploitation dans des projets intégrant des installations existantes car cette utilisation reste exclusivement envisagée pour les nouvelles constructions. Aujourd’hui, nous ne pouvons que très rarement intégrer l’existant dans une maquette numérique. Cela nécessiterait des relevés numériques coûteux de l’ensemble des structures.
Comment pouvez-vous accompagner les maîtres d’ouvrage dans le développement de l’utilisation du BIM ?
A. A.: Nous devrons prouver le gain financier permis par l’utilisation du BIM dans le cadre de l’exploitation d’un établissement hospitalier. Certes la conception d’une maquette numérique engendre un coût clairement dé ni, mais les dépenses consenties dans le cadre de ces phases d’études sont amorties lors de l’exécution du projet qui devient, dès lors, bien plus rapide et ef cace. De la même manière, la maquette BIM utilisée dans le cadre de la gestion quotidienne d’un certain nombre de fonctions hospitalières peut avoir des conséquences très bénéfiques en matière de coût d’exploitation. Cependant, nous manquons encore de recul et d’expérience par rapport à l’outil pour démontrer clairement son efficacité en matière d’exploitation.
Certains des pays les plus avancés en matière de conception hospitalière ont conscience du lien intime existant entre architecture et ingénierie. Pour quelle raison ce lien n’est-il pas encore respecté en France ?
A. A. : Il est, tout d’abord, important de marquer la différence entre l’ingénierie anglo-saxonne et l’ingénierie latine. La France, à l’image de l’Espagne ou l’Italie, a des difficultés culturelles à allier plus étroitement l’architecture et l’ingénierie. D’autre part, je ne suis pas persuadé que le modèle anglo-saxon soit plus efficient en matière de conception hospitalière. Ce modèle est très efficace si le programme livré est immuable, auquel cas il permet d’inclure rapidement les données des process et des équipements. Or, en France, par exemple, la maîtrise d’ouvrage ne tolèrerait en aucun cas de ne pouvoir revenir sur un projet une fois le Programme Technique Détaillé (PTD) validé. Nous devons donc prendre ces attentes en considération, au-delà d’une comparaison brute entre deux modèles évoluant dans des contextes culturels et professionnels très différents. Les ingénieurs français peuvent améliorer leurs réponses en collaborant plus étroitement avec les architectes. Néanmoins, il est important de laisser le temps de la réflexion et de respecter les choix des acteurs impliqués dans les projets hospitaliers.
Comment le rôle de l’ingénierie dans la conception des hôpitaux a-t-il évolué ces 10 dernières années ?
A. A. : Depuis le Plan Hôpital 2007, les projets jugés parfois trop imposants et ambitieux ont largement alimenté les réflexions des acteurs de la maîtrise d’œuvre, architectes comme ingénieurs.
Aujourd’hui, les acteurs impliqués dans la conception hospitalière ont pris conscience de l’importance d’optimiser les surfaces, les fonctions et l’organisation hospitalières. Ces expériences ont également permis d’inclure de nouvelles fonctions au sein de la maîtrise d’œuvre. Les équipes que nous intégrons dans le cadre de projets hospitaliers peuvent être constituées de plusieurs cabinets d’architectes et d’ingénieurs et d’experts dans des domaines très spécifiques (développement durable, BIM, Lean management, logistique, etc.). Nos équipes deviennent alors plus complexes à piloter et, par conséquent, le métier d’ingénieur, en tant que pilote, évolue pour assurer la maîtrise de ces différentes fonctions.
Quels sont les grands axes stratégiques de votre développement commercial pour les trois prochaines années ?
A. A.: Nous comptons nous intéresser de près aux grands investissements à venir. Malgré le ralentissement opéré durant le dernier quinquennat, après la mise en place du Plan Hôpital 2012, nous constatons encore des niveaux d’investissement très satisfaisants. La santé en France représente 100 millions de mètres carrés, dont 60 millions pour les hôpitaux publics. Or, toutes les études réalisées démontrent aujourd’hui qu’environ 50% des surfaces utilisées par nos institutions sanitaires sont obsolètes. Ces 30 à 40 millions de mètres carrés aujourd’hui obsolètes sont particulièrement couteux en matière d’exploitation et pèsent lourdement sur les budgets hospitaliers. Ces surfaces vont, certes diminuer pour être remplacées par des installations dédiées à la prise en charge en ambulatoire, mais certains plateaux techniques restent totalement inadaptés à leurs fonctions et comportent toujours des traces d’amiante. Il faudra alors investir pour assurer leur modernisation. Dans ce contexte, Edeis est prête à se positionner sur tous les projets développés au cours des prochaines années.
Quelle est votre vision de l’évolution de l’hôpital du xxie siècle ?
A. A. : L’hôpital de demain sera constitué d’un grand bâtiment technique regroupant des activités de consultations et d’urgences ambulatoires. Cette structure deviendra la vitrine du site hospitalier et assurera l’accueil du patient. L’hôpital devra disposer d’une part, d’un plateau technique hautement performant incluant toutes les dernières technologies. D’autre part, les durées de séjour tendent à diminuer pour les interventions de chirurgie et de médecine. L’hospitalisation se rapprochera alors d’une structure hôtelière pour des séjours allant d’une journée à une semaine. Les sites hospitaliers devront donc disposer d’hôtels recevant des patients dans un environnement très différent des locaux hospitaliers. En n, EDEIS ayant participé à la conception de l’IHU de Strasbourg du Professeur Jacques Marescaux, nous sommes conscients des avancées notables faites dans le domaine chirurgical. Le développement de l’ambulatoire va largement diminuer les besoins des établissements hospitaliers en matière de lits d’hospitalisation.